La moitié de la population canadienne se reconnaît comme alliée des communautés LGBTQ+ (Fondation Émergence, 2025). Mais que signifie vraiment être une personne alliée?
Une personne alliée est solidaire d’un groupe marginalisé dont elle ne fait pas partie. Dans le cadre de la diversité sexuelle et de genre, cela désigne une personne qui soutient les personnes LGBTQ+ et leurs luttes pour une pleine égalité. Il est possible pour une personne issue d’un groupe donné de soutenir les luttes d’un autre groupe. Le terme allié peut aussi s’appliquer à une organisation. (Lexique de la Fondation Émergence).
Comme le souligne la Vitrine linguistique du Québec, « une personne alliée établit et entretient avec les membres du groupe une relation durable fondée sur la confiance et la solidarité. Elle s’informe sur les besoins et les problèmes propres à ce groupe et s’exprime ou l’invite à s’exprimer afin de faire valoir ses droits ou de dénoncer tout cas de discrimination à son égard. »
D’où vient le mot « allié·e »?
À l’origine, le terme « allié·e » désigne une personne ou un groupe qui s’unit à un autre pour atteindre un objectif commun. Il a longtemps été utilisé dans les contextes militaires et diplomatiques.
Dans les luttes pour les droits humains, le mot a pris un nouveau sens. Cet usage du terme « ally » (allié.e) semble remonter au mouvement des droits civiques aux États-Unis. En 1963, Martin Luther King Jr. parlait déjà du rôle des allié.e.s blanc.he.s aux côtés des communautés noires dans la lutte pour l’égalité.
Par exemple, il apparaît en 1964 dans une entrevue avec Dr Martin Luther King Jr. :
« [Question] :Avez-vous constaté que la résistance des Blancs aux demandes des Noirs se durcit — sous la forme d’un vote en bloc de la part des Blancs?
[Réponse de MLK] : Je pense qu’une partie de ce phénomène est inévitable dans une période de transition sociale. Beaucoup de gens dans le Nord ont pris conscience qu’ils avaient probablement des préjugés beaucoup plus profonds qu’ils n’en avaient conscience. Il a fallu que la communauté noire et ses allié.e.s au sein de la communauté blanche fassent pression pour que toute cette question remonte à la surface en 1963. » (Entrevue avec le U.S. News, traduction libre).
Les critiques contre la notion d’allié.e
Le concept d’allié.e peut aussi susciter des critiques.
Certaines critiques soulignent qu’il peut parfois être associé à une posture symbolique, adoptée davantage pour se rassurer ou se valoriser que pour contribuer activement à faire progresser les causes.
Il arrive aussi que, malgré de bonnes intentions, des personnes qui se définissent comme alliées adoptent des attitudes qui peuvent s’avérer contre-productives, par exemple :
- Prendre la parole à la place des personnes LGBTQ+;
- Ne pas réellement écouter leurs vécus;
- Reformuler ou s’approprier leurs messages;
- Croire être à l’abri des préjugés;
- Réagir négativement aux critiques;
- Attendre des personnes concernées qu’elles fassent tout le travail d’éducation.
Ces attitudes peuvent générer un sentiment de trahison. Se confier à quelqu’un qu’on croit allié.e, mais qui réagit de manière inadéquate (en posant des questions déplacées, en ne respectant pas la confidentialité, ou en invalidant l’identité de la personne) peut être doublement blessant.
Être ou ne pas être allié.e?
À l’inverse, une vision trop rigide ou exigeante de ce que serait une « vraie personne alliée » peut aussi soulever des enjeux.
Certaines personnes hésitent à se reconnaître comme alliées, car le mot leur semble trop militant, ou associé à une posture qu’elles ne s’approprient pas.
D’autres hésitent à se positionner par peur de mal faire, d’être jugées ou de ne pas en faire assez.
« Je ne connais pas tous les termes. »
« Je ne sais pas toujours comment réagir quand quelqu’un fait une blague déplacée… »
Pourtant, la présence visible de personnes alliées est essentielle pour faire avancer les droits des personnes LGBTQ+ et créer des environnements plus inclusifs (voir notre article L’importance des personnes alliées).
Exiger la perfection des personnes alliées peut freiner leur engagement et les dissuader d’agir. Il est donc important de valoriser les efforts progressifs et sincères, même imparfaits.
La clé réside dans la nuance. Être allié.e, ce n’est pas atteindre un idéal, c’est choisir d’avancer, de s’impliquer, et de s’améliorer.
S’allier,un parcours plus qu’une destination?
On pense parfois qu’il y aurait, d’un côté, les « vraies » personnes alliées, irréprochables et toujours engagées, et de l’autre, celles qui ne le sont pas du tout. Mais la réalité est rarement aussi tranchée.
Être une personne alliée, ce n’est pas un titre qu’on obtient une fois pour toutes. C’est un parcours, un apprentissage continu. C’est une façon de se positionner, d’agir, d’écouter et de recommencer.
On peut voir ça comme un continuum :
- Parfois, on n’est pas encore conscient.e des LGBTQphobies.
- Parfois, on les voit, mais on ne sait pas comment réagir.
- Parfois, on commence à s’informer, à poser des questions.
- Puis on soutient, on parle, on agit, on prévient.
Chacun.e avance à son rythme. Ce qui compte, c’est de rester en mouvement.
Plutôt que dese demander « Suis-je une vraie personne alliée? », on peut seposer une question plus utile : Où est-ce quej’en suis dans mon parcours? Et qu’est-ce que je peux faire de plus?
C’est une démarche imparfaite, mais précieuse. Et chaque geste compte.
Le sens du mot allié.e a évolué avec le temps, et il n’existe pas de définition unique qui fasse consensus. Il y a autant de façons d’être une personne alliée qu’il y a de parcours. Ce qui importe, au fond, ce n’est pas tant de se dire allié.e, mais bien d’agir comme tel.le au quotidien. Plutôt que de se demander « Suis-je une vraie personne alliée? », il est souvent plus constructif de se poser cette question : « Comment puis-je devenir une meilleure personne alliée? »